La bulle de l’IA est-elle en train d’éclater ?
Par Futurism .Publié le
2025/08/14 05:05
Si le secteur privé continue d'injecter des milliards dans le développement de l'intelligence artificielle, espérant des gains exponentiels, la communauté scientifique, elle, n'est pas du tout convaincue.
S'exprimant dans les colonnes du New Yorker, Gary Marcus, neuroscientifique et critique de longue date d’OpenAI, a confirmé ce que beaucoup commençaient à soupçonner : malgré des années de développement et des coûts faramineux, l'IA ne semble pas s'améliorer de manière significative.
Bien que GPT-5 obtienne de meilleures notes dans les benchmarks de l'industrie (un indicateur de progrès déjà jugé peu fiable par les experts), Marcus soutient que son utilité ne s'étend guère au-delà de celle d'un simple "compagnon de discussion" virtuel. Pire encore, le rythme auquel les nouveaux modèles progressent sur ces mesures douteuses semble ralentir.
"Je n'entends pas beaucoup d'entreprises utilisant l'IA dire que les modèles de 2025 leur sont beaucoup plus utiles que ceux de 2024, même si les modèles de 2025 obtiennent de meilleurs résultats sur les benchmarks", a déclaré Marcus au magazine.
Depuis au moins 2020, le chercheur plaide pour une approche de l'IA plus pragmatique, axée sur des applications beaucoup plus ciblées que la stratégie actuelle, centrée sur le grand public.
Aux États-Unis, des entreprises technologiques comme OpenAI et Anthropic se sont focalisées sur le "développement évolutif de l'IA" (ou "scalable AI"), une approche qui privilégie une croissance financière rapide au détriment de l'utilité technologique. Il est d'ailleurs notable que le terme "scalable" tel que nous le connaissons trouve ses racines dans le monde de la finance.
Dans la pratique, cela s'est traduit par l'ajout du plus grand nombre possible de puces de traitement graphique (GPU), ce qui exige plus de centres de données, qui nécessitent plus d'énergie, qui, à leur tour, réclament plus de capital.
Le PDG d'OpenAI, Sam Altman, a théorisé en 2021 que l'investissement massif se traduirait par des améliorations quasi-exponentielles des capacités de l'IA. Son raisonnement était simple : si vous dépensez l'argent, il n'y a aucune raison que la technologie ne s'améliore pas. Et si vous en dépensez suffisamment, vous pourriez même débloquer l’intelligence artificielle générale (AGI), le point où nos petits chatbots atteindront un niveau d'intelligence comparable à celui des humains.
Il y a cependant un hic : la technologie ne s'améliore pas réellement.
Si la vision plus réaliste de Marcus a fait de lui un paria dans la communauté de l'IA, il n'est plus seul à s'opposer au "scalable AI". Récemment, Michael Rovatsos, spécialiste de l'IA à l'Université d'Édimbourg, a écrit qu'il "est possible que la sortie de GPT-5 marque un tournant dans l'évolution de l'IA... qui pourrait annoncer la fin de la création de modèles toujours plus compliqués dont les processus de pensée sont impossibles à comprendre pour quiconque."
Début mars, une enquête menée auprès de 475 chercheurs en IA a conclu que l’AGI était une issue "très improbable" de l'approche de développement actuelle.
Et dès 2023 — bien avant même GPT-4o, sans parler de GPT-5 — le co-fondateur de Microsoft, Bill Gates, a déclaré au journal allemand Handelsblatt que le "scalable AI" avait "atteint un plateau".
Quelques années plus tard, même les partisans les plus fidèles de l'IA dans le secteur financier commencent à redescendre sur Terre. Malgré un deuxième trimestre meilleur que prévu pour CoreWeave, le partenaire d'OpenAI pour les centres de données, Wall Street commence à douter de la capacité des géants de la tech à réaliser leur objectif ambitieux de livrer l’AGI.
En conséquence, les actions de CoreWeave ont chuté de 16 % au moment de la rédaction de cet article, ce qui pourrait être le premier signe que la bulle de l'IA est en train de se dégonfler.
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